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الخميس، 7 أغسطس 2014

Le berbère en Mauritanie Une langue en voie de d’extinction


TAMAZGHA
Organisation Non Gouvernementale de défense des droits des Imazighen (Berbères)
www.tamazgha.fr



Le berbère en Mauritanie


Une langue en voie de d’extinction


Rapport alternatif de Tamazgha


au

Comité pour l’Elimination de la Discrimination Raciale (CERD)


Nations Unies

Conseil Economique et Social
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD)

65eme session du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Genève, 2-20 août 2004












Sommaire










Préambule ………………………………………………………………………… p. 3






Partie 1. - Données historiques générales




1. Généralités……………………………………………………………….. p. 4


2. L’Afrique du Nord, une terre amazighe (berbère) …………………… p. 4

3. Le berbère en Mauritanie : une langue en voie d’extinction …...….. p. 5





Partie 2 - Principales violations de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale




1. La négation officielle et institutionnelle du fait amazigh (berbère) …….. p. 7


2. Une arabisation et une assimilation programmées ……………………… p. 8

3. Exclusion des champs culturel et éducationnel officiels ………………… p. 9

4. Le rapport de la Mauritanie : contradictions .……………………………… p. 9

5. En Mauritanie, la discrimination est un fait de l’Etat ..……………………. p. 11



Partie 3 - Nos propositions pour éliminer les discriminations officielles .. p. 12




Références bibliographiques ……………………………………………………. p. 13




Annexes




- Annexe 1. Carte linguistique de la Mauritanie……………… ……………. p. 14


- Annexe 2. Extraits de la Constitution de la Mauritanie…………………… p. 15




















Préambule










Avant d’exposer les principales discriminations dont est victime la minorité berbérophone en Mauritanie et nos propositions en vue de l’élimination de ces discriminations, il nous semble important de rappeler un certain nombre d’éléments historiques sur l’Afrique du Nord, ce qui permettra au lecteur non familier des questions linguistiques et culturelles qui divisent gravement l’Afrique du Nord de comprendre le déni fait aux berbérophones de Mauritanie et aux Nord-africains de manière générale (Partie 1).




Tout comme les Berbères en Tunisie et en Libye en particulier, la minorité berbérophone de Mauritanie subit diverses discriminations qui la menacent jusqu’à son existence et celle de ses langue et culture.




Si l’ensemble des populations mauritaniennes subissent la répression et l’autoritarisme du régime en place, les berbérophones, eux, subissent une discrimination supplémentaire due à leur appartenance ethnique berbère. En effet, sur le plan linguistique, si l’essentiel des langues parlées en Mauritanie bénéficient d’une reconnaissance institutionnelle, la langue berbère est tout simplement ignorée et n’a donc pas droit de cité.




Nous tâcherons donc de pointer les principales discriminations officielles de l’Etat mauritanien desquelles procèdent les violations des stipulations de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Partie 2).




Enfin, nous exposerons nos propositions pour éliminer ces discriminations (Partie 3).



PARTIE 1.




DONNEES HISTORIQUES GENERALES




1 – Généralités




En Mauritanie, comme partout en Afrique du Nord, un très grave déni culturel et identitaire, basé sur la discrimination, est à la base de l’action de l’Etat national qui se veut arabe et musulman. Il a tout fait pour achever la politique d’arabisation des berbérophones qui sont réduits aujourd’hui à une minorité en voie de disparition.




L’objet de cette discrimination officielle permet d’établir la violation des principes de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.


Il s’agit d’une atteinte extrêmement grave aux droits culturels, linguistiques et identitaires des berbérophones, par ailleurs reconnus par tous les textes internationaux, au premier chef la Déclaration universelle des droits de l’Homme et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale que la Mauritanie semble ignorer.



Cette politique qui confine à un "impérialisme linguistique et culturel" empêche naturellement la société d’aller vers un véritable pluralisme et une véritable démocratie nécessaires à la lutte contre le sous-développement. Une folle énergie sociale est ainsi dilapidée à contrarier les valeurs ancestrales et l’identité première des Berbères au lieu d’en faire le point d’appui pour la construction d’une société vraiment réconciliée et ouverte, plurielle et démocratique.




L’arabisation des Berbères est ainsi au cœur d’une politique étatique de négation des droits humains les plus élémentaires.




2 - L’Afrique du Nord, une terre amazighe (berbère)




Tous les historiens de l’Afrique du Nord attestent que le pays est peuplé de Berbères depuis les temps les plus anciens. Ainsi, Ibn Khaldoun dans son Histoire des Berbères, peut écrire à propos du pays que l’on appelle le Maghreb et que nous appelons Tamazgha ou pays des Imazighen (Berbères) : "Depuis les temps les plus anciens, cette race d’hommes habite le Maghreb dont elle a peuplé les plaines, les montagnes, les plateaux, les régions maritimes, les campagnes et les villes" (Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, Paris, Geuthner, 1999 p. 167).




Concernant tamazight, la langue des Imazighen : "leur langue est un idiome étranger, différent de tout autre : circonstances qui leur a valu le nom de Berbères" (Ibn Khaldoun, 1999, opus cité p. 168).




Concernant, enfin, les religions professées en Afrique du Nord : "il y avait parmi eux [des tribus] qui professaient la religion juive ; d’autres chrétiennes, et d’autres païennes, adorateurs du soleil, de la lune et des idoles. Comme ils avaient à leur tête des rois et des chefs, ils soutinrent contre les musulmans plusieurs guerres très célèbres". (Ibn Khaldoun, 1999, opus cité, p. 177).




Pour Gabriel Camps, "Les millénaires ont passé et malgré les vicissitudes d’une histoire particulièrement riche en conquêtes, invasions et tentatives d’assimilation, des populations du même groupe ethnique, les Berbères, subsistent dans un immense territoire qui commence à l’ouest de l’Egypte. Actuellement des populations parlant une langue berbère habitent dans une douzaine de pays africains, de la Méditerranée au sud du Niger, de l’Atlantique au voisinage du Nil. (G. Camps, Les Berbères. Mémoire et identité, éditions Errance, Paris, 1987, p.5). La Mauritanie fait partie, bien entendu, de cet espace.




Actuellement, le lecteur exigeant, qui souhaite avoir l’avis de grands savants du domaine berbère, peut lire utilement L’Encyclopédie berbère, publiée en France avec le concours du Conseil international de la philosophie et des sciences humaines de l’UNESCO.






3 – Le berbère en Mauritanie : une langue en voie d’extinction.




Si le passé berbère de la Mauritanie, à l’instar de l’ensemble de l’Afrique du Nord, est incontestable, l’usage de la langue berbère est, aujourd’hui, réduite à une infime minorité. La langue berbère se trouve ainsi sérieusement menacée et si aucune mesure n’est prise, et de façon urgente, en sa faveur, sa disparition serait inéluctable.




Jusqu’aux premiers mouvements d’islamisation, la langue utilisée dans cette partie sud occidentale de l’Afrique du Nord était le berbère. Même après l’islamisation, et pendant longtemps, la langue berbère a joué un rôle primordial dans la vie religieuse. Il faut noter l’existence, dans cette région, de manuscrits en berbère, écrits en caractères arabes, à thèmes religieux. Dans cette région, toujours, a existé également l’habitude de commenter le Coran et les textes fondamentaux de l’islam en berbère. (voir Catherine Taine-Cheikh, "Langues, savoirs et pouvoirs en milieu maure", in Les Cahiers de l’IREMAM, 13/14- Elites du monde nomade touareg et maure, Aix-en-Provence, 2000. pp : 167-184.)




Catherine Taine-Cheikh, dans l’article sus-cité, affirme que l’un de ses informateurs berbérophones
[1] lui a rapporté qu’il y a vingt ou trente ans, il a fait ses études dans une école au Sud-ouest mauritanien et c’est en berbère que le Coran et les textes coraniques étaient commentés.



Dans son livre "Histoire de l’Afrique du Nord" (Payot, 1951, 1969, 1994), Charles-André Julien affirme dit :


« Au moment même où les tribus arabes prenaient pied sur le sol du Maghreb par le sud-est, un autre groupement nomade, berbère celui-là, se formait dans le Sahara occidental et se préparait, lui aussi, à déferler sur l’Afrique du Nord par le sud-ouest. C’était les Sanhadja voilés, que l’histoire connaît sous le nom d’Almoravides. En l’espace d’à peine un demi-siècle, ils allaient constituer dans la partie occidentale du pays et en Espagne un immense empire berbère. » (p. 417)



Cette dynastie berbère connue sous le nom des Almoravides eut pour cellule originaire une puissante tribu sanhadjienne du Sahara dont le berceau était l’Adrar de Mauritanie.




Il faut noter que suite à leur défaite face aux tribus arabes Beni Hassan et leur sujétion, au XIVe siècle, les Berbères se sont investis dans la connaissance religieuse et soint devenus des lettrés (marabouts) et c’est là que leur arabisation a commencé à prendre de l’importance.




Dans son ouvrage publié en 1953, Francis Nicolas fournit des éléments concernant la population zénaga ; il précise les quatre grands groupements de tribus berbères et donne le nombre de locuteurs au début des années 1950. Ainsi il estime le nombre de berbérphones à 13300 sur les 29000 composant les tribus berbères. A cette époque déjà, la langue berbère (zénaga) a perdu du terrain face à l’arabe.




Les raisons de ce recul de la langue berbère s’expliquent principalement par sa non-reconnaissance et le fait que la scolarisation se fait en arabe uniquement.




Aujourd’hui le nombre de berbérophones en Mauritanie n’excède pas 5000. Le site ethnologue.com avance le chiffre de "200 à 300" ce qui nous semble en deçà de la réalité. Mais cela nous renseigne sur le danger qui guette la langue berbère en Mauritanie qui risque de disparaître rapidement si rien n’est fait pour sa protection et son développement.




Le linguiste Kamal Naït-Zerrad, Professeur associé au Centre de Recherche Berbère à l’Inalco (Paris), quant à lui, suite à ses premières investigations en 2003 en Mauritanie, estime le nombre de berbérophones à environ 1000 individus.




La majorité des locuteurs de la langue berbère en Mauritanie sont des personnes d’un certain âge ; les jeunes sont très peu nombreux à la pratiquer.




De sérieuses inquiétudes demeurent quant à la survie de la langue berbère en Mauritanie.




Si rien n’est fait pour sauver cette langue et si l’Etat mauritanien poursuit sa politique d’exclusion de la langue berbère, cette dernière ne saura survivre encore plus longtemps. Elle disparaîtra avec la disparition des quelques milliers de ses locuteurs actuels.




L’Etat mauritanien se doit d’œuvrer, et de toute urgence, par tous les moyens afin de protéger la langue berbère et déployer les moyens nécessaires à son développement.















PARTIE 2




PRINCIPALES VIOLATIONS DE LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’ELIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE




1. La négation officielle et institutionnelle du fait amazigh (berbère).




La discrimination anti-berbère est un fait officiel délibéré et organisé, inscrit dans les textes et bénéficie du concours des institutions de l’Etat lesquelles sont instrumentées dans le but de nier l’identité ancestrale des Berbères en vue de les arabiser par la force et de les intégrer ainsi dans une conception politique arabo-islamique comme dominés.




C’est dans la Constitution de la Mauritanie (1991) que la discrimination que subissent les Berbères est officiellement exprimée.




Le préambule de cette Constitution affirme que "le peuple mauritanien [est un] peuple musulman et arabe". Ainsi la dimension berbère, ainsi que le passé berbère de la Mauritanie sont tout simplement ignorés et exclus.




L’article 6 de cette même Constitution énonce que "Les langues nationales sont l’arabe, le poular, le soninké et le wolof". Si l’on se réjouit que les langues poular, soninké et wolof sont reconnues et bénéficient du statut de langues nationales, il est à noter que la langue berbère est tout simplement ignorée. Ceci dénote, par ailleurs, le mépris des autorités mauritaniennes à l’égard des locuteurs de la langue berbère.




La langue berbère se trouve ainsi officiellement exclue.




C’est donc sur la Constitution elle-même, Loi fondamentale de l’Etat, que se base la politique d’arabisation et de négation de l’identité amazighe de la Mauritanie.




Notons que le rapport de l’Etat mauritanien ne donne aucune précision quant la composition ethnique de la Mauritanie, ni sur les langues en usage réel dans la société. Si le rapport mentionne l’existence de populations non-arabophones : Poulars, Soninkés et Wolofs (CERD/C/421/Add.1 – paragraphe 7), il reste superficiel mais, surtout, ignore la présence du peuple berbère, le plus ancien sur ce territoire ; un peuple dont la civilisation, la culture et la langue ont traversé des millénaires et sont toujours vivantes.




Et pourtant, le CERD dans ses conclusions suite à l’examen des 1er, 2eme, 3eme, 4eme et 5eme rapports présentés par la Mauritanie en 1999 (CERD/C/304/Add.82), a souligné comme sujet de préoccupation le fait que les renseignements fournis sur la composition ethnique soient incomplets : "Il est noté que les renseignements fournis par l'État partie en ce qui concerne la composition ethnique de la population et les indicateurs socioéconomiques concernant l'application des dispositions de la Convention sont incomplets." (CERD/C/304/Add.82, paragraphe 7). Dans le paragraphe 10 du même document, "Le Comité recommande que lorsqu'il présentera son prochain rapport périodique, l'État partie fournisse plus de renseignements détaillés concernant la composition ethnique de la population […]".(CERD/C/304/Add.82, paragraphe 10)




La Mauritanie persiste dans sa négation de l’existence de Berbères sur son territoire et refuse de donner la composition ethnique en Mauritanie. Elle se contente de noter que "[…] le peuple mauritanien est constitué d’une majorité arabe composée de Noirs et de Blancs, et de non-arabophones : Poulars, Soninkés et Wolofs." (CERD/C/421/Add.1 – paragraphe 7)




La langue arabe étant considérée comme la seule langue officielle de l’Etat mauritanien ; cela dénote une réelle volonté d’arabisation des populations mauritaniennes. Si les langues des minorités poular, soninké et wolof sont reconnues par l’Etat comme langues nationales, la langue berbère, quant à elle, ne dispose d’aucun statut : elle est tout simplement ignorée et méprisée. Ainsi, nous constatons, non sans amertume, que tout le fondement amazigh (berbère) de la Mauritanie soit délibérément ignoré. Dès lors, c’est une partie de la population mauritanienne qui se trouve exclue de jure, de l’Histoire. Ce traitement contraire à la lettre et à l’esprit de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale constitue une atteinte inadmissible aux droits fondamentaux des berbérophones mauritaniens contraints à une arabisation inéluctable.




Les textes officiels traitant de l’Histoire de la Mauritanie, s’ils évoquent le passé berbère du pays, n’accordent pas son importance au sujet et rien n’est fait pour valoriser le passé amazigh (berbère) de la Mauritanie.




Il s’agit d’une volonté délibérée de ne pas faire allusion à la berbérité, une composante qui forme le socle de la civilisation nord-africaine, dans le but, à terme, par le fait notamment de l’arabisation forcée, de faire en sorte que le fait berbère disparaisse.




2. Une arabisation et une assimilation programmées.




Même si la langue berbère en Mauritanie, comme partout en Afrique du Nord, a pu résister aux langues de presque tous les conquérants (Phyniciens, Byzantins, Vandales, Romains,...), l’arabe, langue du Coran, a réussi à la bousculer et à la menacer sérieusement puisque aujourd’hui l’écrasante majorité des Mauritaniens sont complètement arabisés et ont perdu l’usage de leur langue ancestrale qui est la langue berbère. Cette dernière s’est maintenue notamment dans le Sud-ouest de la Mauritanie et n’est parlée aujourd’hui que par quelques milliers d’individus.




La politique linguistique arabisante de l’Etat mauritanien menace sérieusement les berbérophones ainsi que leurs langue et culture et risque de conduire, à terme, à la mort de la langue berbère.




La langue arabe jouit d’une grande puissance culturelle. Langue officielle de l’Etat, langue de la religion qui est elle-même religion officielle, langue obligatoire de l’école, langue de la radio et de la Télévision, unique langue de l’administration, l’arabe occupe tous les espaces alors que la langue berbère se trouve interdite d’usage. Elle est réduite au seul usage familial.




La langue berbère en Mauritanie se trouve ainsi sérieusement menacée. Cette menace est du fait du seul Etat mauritanien qui, par son attitude marginalisante à l’égard du berbère, viole l’un des principes fondamentaux de la Convention internationale pour la lutte contre toutes les formes de discrimination raciales.




S’obstiner dans cette politique d’arabisation et d’assimilation forcées des Berbères, l’Etat mauritanien commet l’un des crimes les plus horribles à savoir priver la Mauritanie d’une composante essentielle de son Histoire, identité et culture. C’est par ailleurs le patrimoine de toute l’Humanité qui sera privée de cet apport millénaire qui représente une richesse aussi bien pour la Mauritanie qu’à l’Humanité entière.




L’Etat mauritanien se doit de déployer tous les moyens et efforts nécessaires pour protéger ce patrimoine de la Mauritanie et faire en sorte que la langue et la culture berbères soient prises en charge. L’Etat doit leur assurer une protection réelle et conséquente en vue de leur promotion et développement.






3. Exclusion des champs culturel et éducationnel officiels.


Bien entendu, la langue berbère ne bénéficie pas d’enseignement par le système éducatif mauritanien. Les manuels scolaires ne consacrent aucun espace à l’enseignement de l’Histoire des Berbères ni à leur civilisation.



Les projets de développement, de promotion et de soutien de la culture n’ont pas inscrit la culture berbère dans leur priorité. Seuls les arts d’expression arabe bénéficient des aides de l’Etat. De façon marginale, trois autres langues reconnues langues nationales semblent bénéficier d’un soutien qui reste toutefois timide.




La loi n° 099-012 du 26 avril 1999 portant réforme du système éducatif prévoit la création au sein de l’Université de Nouakchott d’un département des langues nationales poular, soninké et wolof. (CERD/C/421/Add.1 – paragraphe 167). Encore une fois, l’Etat mauritanien exclut la langue berbère de tout programme de recherche et de développement. Ainsi, l’Etat mauritanien ne donne ni les moyens ni la possibilité d’entreprendre des recherches sur la langue berbère au sein de l’Université.




L’Etat mauritanien ne peut justifier cette situation et ne peut prétendre ignorer la situation inacceptable que vivent les berbérophones de Mauritanie ainsi que leurs langue et culture.


Tous ces faits montrent la discrimination linguistique et culturelle dont est victime la minorité berbérophone en Mauritanie.





4. Le rapport de la Mauritanie : contradictions.




Dans l’introduction de son rapport (CERD/C/421/Add.1 - paragraphe 5), l’Etat mauritanien se définit comme “Pays musulman, arabe et africain”. Cette définition, à elle seule, par ailleurs ethniciste, montre l’exclusion pure et simple de tout ce qui n’est pas arabe ni musulman. La berbérité de la Mauritanie est de fait exclue.




Même lorsque l’Etat mauritanien admet l’existence de certains groupes ethniques autres qu’arabes, il ne donne aucun détail quant à la compositions ethnique de la Mauritanie.




On ne peut admettre que les Mauritaniens soient définis uniquement sur la base de la race (laquelle ?) et de la religion musulmane lorsqu’on sait que l’Afrique du Nord a été et est le carrefour de multiples civilisations qui dans leur syncrétisme ont donné la civilisation actuelle. En effet, faudrait-il rappeler que sur les terres nord-africaines se sont succédées, à travers les siècles, les civilisations suivantes : Phéniciens, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes, Turcs, Français,… Et comme religions, il est de notoriété que l’Afrique du Nord ait été traversée par les différentes religions monothéistes qu’a connue l’Humanité.




Une définition raciale (voire raciste) de l’identité de la Mauritanie est pour le moins insensé et dénuée de toute crédibilité.




Dans le paragraphe 9 de son rapport (Chapitre I. Quelques données socioéconomiques récentes), l’Etat mauritanien affirme que “le peuple mauritanien est exclusivement de religion musulmane […]”. (CERD/C/421/Add.1 – Paragraphe 9).


Faut-il comprendre qu’un Mauritanien (citoyen de nationalité mauritanienne) ne peut avoir une autre religion autre que celle décrétée officiellement à savoir l’Islam ? Quelles protections et quelles garanties l’Etat mauritanien offre-t-il aux croyants à une autre religion autre que l’islam, aux non croyants, aux athées, aux libres penseurs,…?



A ce propos, il convient de signaler l’incompatibilité de la Constitution de la Mauritanie avec la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. En effet, la Convention, dans son article 5 stipule que les Etats parties s’engagent à garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique notamment dans la jouissance du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (Article 5-d-vii). La Constitution mauritanienne énonce les libertés publiques et individuelles garanties aux citoyens et parmi ces libertés ne figure pas la liberté de religion. (voir extraits de la Constitution en annexe, page 15).


En réalité c’est l’absence de toute liberté religieuse, en dehors de l’islam, que l’Etat mauritanien veut masquer par cette formulation : l’islam est imposé et aucune liberté n’est garantie aux citoyens quant au choix confessionnel.

Aujourd’hui, quelle que soit l’importance des citoyens pratiquant la religion musulmane, il est difficile d’affirmer que l’ensemble des Mauritaniens sont de confession musulmane.

L’Etat mauritanien doit se conformer à la Convention dont il est partie et intégrer dans sa législation le respect de la liberté religieuse tel que stipulé par la Convention.



Dans le paragraphe 15 de son rapport, l’Etat mauritanien affirme que "Sur les plans économiques, sociaux et culturels, la législation mauritanienne reconnaît les droits et libertés de tous les groupes sociaux." (CERD/C/421/Add. 1 – paragraphe 15).


Sauf que les droits du groupe berbérophone sont complètement ignorés. Par ailleurs, il est difficile de reconnaître des droits à un groupe qui, lui-même, est déjà ignoré : c’est le cas des berbérophones de Mauritanie.



Pour illustrer les efforts déployés pour garantir le droit de prendre part dans des conditions d’égalité aux activités culturelles, l’Etat mauritanien, dans son rapport, affirme que "Des programmes et émissions sont quotidiennement diffusés à la radio et à la télévision dans les différentes langues nationales. Les radios rurales émettent plus de 60 % de leurs programmes en langues nationales, poular, soninké et wolof." (CERD/C/421/Add.1 – paragraphe 147).


Là aussi, l’on constate que les berbérophones de Mauritanie sont exclus de ces programmes. Ils se voient donc imposer, dans les médias et moyens de communication, d’autres langues que la leur. N’est-ce pas là une politique d’assimilation forcée des berbérophones.

Comment assurer la transmission et le développement d’une langue maternelle lorsque cette dernière est bannie de tous les moyens de communication ainsi que des programmes et activités culturels. Ainsi les enfants des berbérophones sont victimes d’une discrimination incontestable.



Dans son rapport l’Etat mauritanien évoque le droit à l’éducation garanti aux citoyens et affirme que "[…] En plus de la référence dont il est l’objet dans la Constitution (art. 10), le droit à l’éducation pour tous, sans aucune discrimination de race, de religion et de sexe, est garanti par tout un arsenal de textes d’ordre législatif et réglementaire." (CERD/C/421/Add.1 – paragraphe 163).


Sauf qu’il faut noter que cette éducation se fait dans la seule langue arabe, imposée à tous les Mauritaniens. En effet, la langue maternelle des berbérophones de Mauritanie n’est pas enseignée et n’est pas tolérée. Les Mauritaniens berbérophones qui souhaitent apprendre la langue berbère à l’école et dispenser à leurs enfants des cours d’Histoire et de civilisation berbères n’ont jamais accédé à ces vœux.

Les enfants berbérophones sont victimes d’une discrimination due à leur appartenance ethnique. Cette discrimination est l’œuvre de l’Etat mauritanien.



Dans le paragraphe 167 de son rapport, l’Etat mauritanien annonce le projet de création d’un département des langues nationales au sein de l’Université de Nouakchott. Les langues concernées sont seulement les langues reconnues par la Constitution comme langues nationales à savoir le poular, le soninké et le wolof.


Encore une fois, la langue berbère est exclue des programmes de la recherche scientifique et universitaire. Voici un autre élément discriminatoire visant la langue berbère qui pourtant fait partie intégrante du patrimoine linguistique de la Mauritanie.



Dans le paragraphe 189 de son rapport, l’Etat mauritanien affirme que "Par ailleurs, il existe des associations nationales et locales de promotion des langues et cultures poular, soninké et wolof." (CERD/C/421/Add.1 – paragraphe 189).


On remarquera l’absence d’associations de promotion de la langue et la culture berbères. Ceci illustre la discrimination dont sont objet les berbérophones de Mauritanie privés de création d’associations de promotion de leurs langue et culture.





5. En Mauritanie, la discrimination est un fait de l’Etat




Au vu des éléments exposés, il apparaît que l’Etat mauritanien conduit une politique visant à assimiler les populations berbérophones au reste de leurs concitoyens afin qu’ils s’arabisent pour qu’à terme la langue berbère devienne une langue morte.




En se conduisant de la sorte, les autorités mauritaniennes mettent en place une politique dont l’objet est la disparition pure et simple du fait berbère. Ainsi, la discrimination et le mépris dont sont victimes les Berbérophones de Mauritanie constitue une violation non équivoque des dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.




Aussi, les éléments exposés précédemment montrent que l’Etat mauritanien est en violation de toutes les conventions internationales qui recommandent la protection des minorités et de leurs intérêts.




L’Etat mauritanien doit déployer encore beaucoup d’efforts pour que cesse la discrimination sur son territoire. Il doit reconnaître aux berbérophones qui sont sous son autorité leurs droits fondamentaux énoncés dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ainsi que dans nombre d’autres instruments internationaux de droits de l’Homme auxquels il adhère.









PARTIE 3.








NOS PROPOSITIONS POUR L’ELIMINATION DES DISCRIMINATIONS OFFICIELLES






Nous demandons instamment à l’Etat Mauritanien la reconnaissance de tamazight (langue berbère) comme langue nationale de la Mauritanie. En effet, la langue berbère doit être reconnue langue nationale par les textes officiels et institutions de l’Etat.




L’Etat mauritanien doit garantir aux citoyens le droit de créer des associations pour la sauvegarde et la promotion des langue et culture berbères. Il doit encourager et ssoutenir ce genre d’initiative.




Comme il est fait pour les autres langues nationales de Mauritanie, et afin que les berbérophones ne se sentent pas étrangers dans leur propre pays et qu’ils ne soient pas en marge de la vie du pays, l’Etat mauritanien doit consacrer une partie des programmes de ses médias (radio et télévision) à la langue et la culture berbères.




L’Etat mauritanien doit intégrer l’enseignement de la langue berbère dans les programmes de l’éducation et de formation. Dans les régions berbérophones, la langue berbère doit être une langue obligatoire à tous les niveaux de l’enseignement.




L’Etat mauritanien doit encourager l’art berbère dans toutes ses manifestations (théâtre, musique, danse, poésie,...).




L’Etat mauritanien doit procéder à la mise en place d’institutions ayant pour but la préservation, la promotion et le développement des patrimoines linguistique et culturel berbères en Mauritanie. Il doit, à ce titre, intégrer la sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel berbère dans son "Projet sauvegarde et valorisation du patrimoine culturel mauritanien" (voir décret n° 2000-130 du 8 novembre 2000).




L’Etat mauritanien doit intégrer la langue berbère parmi les langues qui feront l’objet des préoccupations et priorités du département des langues nationales créé au sein de l’Université de Nouakchott. Ainsi la langue berbère doit bénéficier des programmes de recherche au sein de l’Université.




Plus généralement, la langue berbère doit bénéficier des programmes déjà existants et qui sont consacrés aux langues nationales de la Mauritanie.




En somme, l’Etat mauritanien doit prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre aux berbérophones leur dignité et que cesse la discrimination dont ils sont victimes. Il doit engager tous les moyens nécessaires pour assurer la préservation, la protection et le développement de la langue et la culture berbères.

















Références bibliographiques.






- Al-Chennafi M. & Norris H. T., "How the Hassaniyya vernacular of Mauritania supplanted Zenaga" – The Maghreb-Review 76 (5-6), 1981. pp : 77-78.


Comment le dialecte hassaniyya a supplanté le berbère zénaga en Mauritanie.

- Arnaud J. & Lavroff D.-G., L’espace et l’homme mauritaniens. Introduction à la Mauritanie, CNRS, Paris, 1979. pp : 103-125.

Evoque le processus d’arabisation et la survivance du berbère zénaga.

- BASSET André, "Notes sur les parlers zénaga", Articles de dialectologie berbère, Klincksiekck, Paris, 1959.

- BASSET René, Mission au Sénégal. 1 : étude sur le dialecte zénaga, Leroux, Paris, 1909.

- CAMPS Gabriel, Les Berbères. Mémoire et identité, éditions Errance, Paris, 1987.

- CHAKER Salem, Berbères aujourd’hui, L’Harmattan, Paris, 1989.

- FAIDHERBE L.L., Le zénaga des tribus sénégalaises : contribution à l’étude de la langue berbère, Leroux, Paris, 1877.

- Granguillaume Gilbert, Arabisation et politique linguistique au Maghreb, Maisonneuve & Larose, Paris, 1983.

- HACHID Malika, Les Premiers Berbères. Entre Méditerranée, Tassili et Nil, Ina-Yas / Edisud, Aix-en-Provence, 2000.

- Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères, Geuthner, Paris, 1999.

- JULIEN Charles-André, Histoire de l’Afrique du Nord, Payot, Paris, 1931.

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- TAINE-CHEIKH Catherine, "Aperçu sur la situation socio-linguistqiue en Mauritanie", in Introduction à la Mauritanie, CNRS, Paris, 1979. pp : 167-173.

Etat linguistqiue de la Mauritanie à la fin du 19eme siècle et impact de la colonisation dans cette sphère. Arabisation.

- TAINE-CHEIKH Catherine, "De la morphogenèse du diminutif en zénaga (berbère de Mauritanie)", in K. Naït-Zerrad éd., Articles de linguistique berbère. Mémorial Werner Vycichl, L’Harmattan, Paris, 2002. pp. 427-454.

- TAINE-CHEIKH Catherine, " Le problème des verbes dérivés en berbère et l'exemple du zénaga", in Proceedings of the 10th Italian Meeting of Afro-Asiatic (Hamito-Semitic) Linguistics (Florence, 17-21 avril 2001), Florence.

- TAINE-CHEIKH Catherine, "La corrélation de gémination consonantique en zénaga (berbère de Mauritanie)", Comptes rendus du GLECS (séance du 28 mai 1998), n° 34 (1998-1999).

- TAINE-CHEIKH Catherine, "Langues, savoirs et pouvoirs en milieu maure", in Les Cahiers de l’IREMAM, 13/14- "Elites du monde nomade touareg et maure", Aix-en-Provence, 2000. pp : 167-184.








Annexe 1. Carte linguistique de la Mauritanie.








Source : http://www.ethnologue.com

Annexe 2. Extraits de la Constitution de la Mauritanie.







Ordonnance n° 91.022 du 20 Juillet 1991 portant Constitution de la République Islamique de Mauritanie


(Journal Officiel du 30 Juillet 1991, P.446)









Préambule.




Confiant dans la toute puissance d'ALLAH, le peuple mauritanien proclame sa volonté de garantir l'intégrité de son Territoire, son indépendance et son unité nationale et d'assumer sa libre évolution politique, économique et sociale.


Fort de ses valeurs spirituelles et du rayonnement de sa civilisation, il proclame en outre, solennellement, son attachement à l'Islam et aux principes de la démocratie tels qu'ils ont été définis par la déclaration Universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et par la charte Africaine des droits de l'homme et des peuples du 28 Juin 1981 ainsi que dans les autres conventions internationales aux quelles la Mauritanie a souscrit.

Considérant que la liberté, l'égalité et la dignité de l'homme ne peuvent être assurées que dans une société qui consacre la primauté du droit, soucieux de créer les conditions durables d'une évolution sociale harmonieuse, respectueuse des préceptes de l'islam, seule source de droit et ouverte aux exigences du monde moderne, le peuple mauritanien proclame, en particulier, la garantie intangible des droits et principes suivants :

· le droit à l'égalité

· les libertés et droits fondamentaux de la personne humaine ;

· le droit de propriété ;

· les libertés politiques et les libertés syndicales ;

· les droits économiques et sociaux ;

· les droits attachés à la famille, cellule de base de la société islamique.



Conscient de la nécessité de resserrer les liens avec les peuples frères, le peuple mauritanien, peuple musulman, arabe et africain, proclame qu'il oeuvrera à la réalisation de l'unité du Grand Maghreb, de la nation arabe et de l'Afrique et la consolidation de la paix dans le monde.






Titre Premier : Dispositions Générales et Principes Fondamentaux.




Article Premier : La Mauritanie est une république Islamique, indivisible, démocratique et sociale.

La République assure à tous les citoyens sans distinction d'origine, de race, de sexe ou de condition sociale l'égalité devant la loi.

Toute propagande particulariste de caractère racial ou ethnique est punie par la loi.



ART. 2 : Le peuple est la source de tout pouvoir.


La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants élus et par la voie du référendum.

Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice.

Aucun abandon partiel ou total de souveraineté ne peut être décidé sans le consentement du peuple.



ART. 3 : Le suffrage peut être direct ou indirect, dans les conditions prévues par la loi. Il est toujours universel, égal et secret.


Sont électeurs tous les citoyens de la république, majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques.



ART.4 : La loi est l'expression suprême de la volonté du peuple. Tous sont tenus de s'y soumettre.




ART. 5 : l'Islam est la religion du peuple et de l'Etat.








ART.6 : Les langues nationales sont l'arabe, le poular, le soninké et le wolof ; la langue officielle est l'arabe.




ART. 7 : La capitale de l'Etat est Nouakchott.




ART.8 : L'emblème national est un drapeau portant un croissant et une étoile d'or sur fond vert.


Le sceau de l'Etat et l'hymne national sont fixés par la loi.



ART.9 : La devise de la république est : Honneur, Fraternité, Justice.




ART.10 : l'Etat garantit à tous les citoyens les libertés publiques et individuelles, notamment :


· la liberté de circuler et de s'établir dans les parties du territoire de la république ;

· la liberté d'entrée et de sortie du territoire national ;

· la liberté d'opinion et de pensée ;

· la liberté d'expression ;

· la liberté de réunion ;
la liberté d'association et la liberté d'adhérer à toute organisation politique ou syndicale de leur choix.

· la liberté du commerce et de l'industrie ;

· la liberté de création intellectuelle, artistique et scientifique ;

· la liberté ne peut être limitée que par la loi.





[…]










































Tamazgha


47, rue Bénard

75014 Paris – France.

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Fax : +33.1.49.81.02.32.

E-mail : Tamazgha@wanadoo.fr

http://www.tamazgha.fr




[1]
Les berbérophones de Mauritanie sont appelés "Zénagophones", la variété dialectale qu’ils pratiquent est le zénaga.

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