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الأحد، 10 أغسطس 2014

La Mauritanie :La formation historique

La Mauritanie :La formation historique


Le peuplement

Aux époques pré-, proto-historique et pré-musulmane, l'actuelle Mauritanie bénéficie de conditions climatiques plus clémentes qui permettent l'épanouissement d'une civilisation agro-pastorale, dans des régions que l'assèchement progressif du Sahara ont rendues, depuis, impropres à tout habitat sédentaire. Déjà le peuplement est mixte (souchesberbères et négroïdes) avec, semble-t-il, un avantage numérique aux éléments noirs. Ce sont eux, cependant, qui souffriront le plus des conséquences de la dégradation climatique et seront inexorablement refoulés vers le sud, à l'exception de quelques isolats qui accompagneront les Berbères vers le nord ou resteront fixés autour des oasis. Les maîtres de l'espace ouest-saharien seront, pendant les treize premiers siècles de notre ère, les Berbères Sanhadja. L'introduction du chameau, dès le IIe ou IIIe siècle, leur permet de s'adapter par le nomadisme à un environnement de plus en plus éprouvant. Ils tirent une grande part de leur prospérité du contrôle qu'ils exercent sur les routes occidentales du grand commerce transsaharien qui relie l'Afrique du Nord aux régions de la boucle du Niger. Intermédiaires, protecteurs ou pillards, ils prélèvent leur part sur les flux qui drainent l'or et les esclaves vers le Maghreb, le sel, les objets manufacturés ou les chevaux vers lebilad-as-sudan (pays des Noirs). Si la maîtrise du Sahara occidental ne leur est pas disputée, les Sanhadja entretiennent cependant des rapports difficiles avec les sociétés politiquement organisées du Maghreb et du Soudan (empire du Ghana notamment).

Enflammés par les prédications de l'intégriste musulman Ibn Yasin, les nomades ouest-sahariens sont à l'origine de l'épopée politico-religieuse des Almoravides qui, dans la seconde moitié du XIe siècle, édifient un vaste empire s'étendant de l'Espagne aux rives du Sénégal. Malgré le caractère éphémère de cet empire, le mouvement almoravide devait avoir pour la Mauritanie des conséquences de longue portée : adoption par l'ensemble des tribus d'un islam austère, sunnite et de rite malékite, qui influencera peu à peu toute l'Afrique de l'Ouest ; début de fixation d'une identité politique du peuple ouest-saharien, dont le souvenir glorieux et mythique sera entretenu au cours des siècles par la tradition et récupéré par les courants nationalistes contemporains.

À partir de la fin du XIIIe siècle et jusqu'au début du XVIIIe siècle, le « pays de Shinguiti » (du nom de la plus célèbre de ses cités religieuses, renommée dans tout le monde arabo-musulman) devient l'ultime réceptacle d'ondes migratoires en provenance de la péninsule arabique via le Maghreb. Les arabes Ma'aquil, lancés au XIe siècle à l'assaut de l'Afrique du Nord par les khalifes d'Égypte, sont progressivement détournés par les sultans marocains vers le Sahara occidental. Plus que d'une invasion il s'agit d'infiltrations successives, mais sur de longues périodes. Au prix d'innombrables conflits localisés pour le contrôle des rares ressources, les tribus locales sont assimilées ou réduites à l'état de tributaires par les nouveaux arrivants et coupées des groupes berbères du Nord et de la Méditerranée. La guerre de Charr Boubba (1644-1674) résonne encore comme le dernier sursaut de la résistance berbère avant que ne soit établie la domination militaire et politique des tribus d'origine arabe.
L'organisation sociale

La coexistence initialement forcée et difficile des groupes berbères et arabes donne progressivement naissance à la société maure, dont les principales caractéristiques survivent encore aujourd'hui.

Sur le plan ethnique, la « race maure » se constitue sur la base d'un métissage dominant arabo-berbère, auquel s'ajoutent, au gré de contacts et de mélanges particuliers de populations, des apports maghrébins ou négro-africains. La société maure est en même temps hiérarchisée et décentralisée à l'extrême. L'unité sociale de base est la tribu, à la fois autonome et enserrée dans un réseau de liens d'interdépendance ou de concurrence codifiée avec les autres tribus. Le sommet de la pyramide sociale est constitué par une double aristocratie de tribus « libres ». Les unes sont « guerrières » – les Hassanes réputées d'origine arabe, mais aussi quelques tribus berbères qui ont protégé ou reconquis leur autonomie –, les autres « maraboutiques », en principe d'origine berbère, mais non exclusivement. La séparation entre les deux ordres est statutaire et fonctionnelle. Elle reproduit, en principe, le renoncement des Berbères vaincus par les immigrants arabes à leurs prérogatives militaires et politiques ; spécialisés dans les attributions religieuses et intellectuelles, les « marabouts » monnayaient la protection que leur accordaient les « guerriers ». En fait, les termes d'interdépendance et de complémentarité d'intérêts et de rôles correspondent davantage à la réalité des relations guerriers-marabouts. Certaines grandes familles maraboutiques, grâce à l'autorité morale de leurs chefs les plus prestigieux et au poids économique que leur conférait le contrôle d'une nombreuse clientèle de pasteurs ou d'agriculteurs, exerçaient, au moment de la conquête coloniale, un pouvoir beaucoup plus déterminant que celui que détenaient formellement les familles guerrières de niveau correspondant.

En revanche, cette double aristocratie exerçait une réelle domination sur les couches inférieures de la stratification verticale : tribus berbères zenaga ou d'esclaves noirs affranchis (haratine) qui assuraient, pour le compte des tribus libres, les principales tâches de production (gardiennage des troupeaux, entretien des puits et des palmeraies, cultures, collecte de la gomme) ; « serviteurs » noirs, en fait esclaves, les abid, qui constituaient l'essentiel de la force de travail utilisée par les catégories supérieures ; enfin, au bas de l'échelle sociale, les artisans et griots formaient de véritables castes, méprisées et redoutées à la fois en raison des pouvoirs surnaturels qu'on leur prêtait.

L'intégration politique demeurait faible, la structure tribale et le nomadisme ne s'accommodaient que de regroupements de type fédéral assez lâches, et l'institution tardive d'émirats dans certaines régions (Tagant, Adrar, Trarza, Brakna) ne fut qu'un pâle reflet, malgré le prestige personnel de quelques émirs exceptionnels, du modèle arabe. Les relations intertribales étaient marquées par de perpétuelles querelles.

Cette segmentation sociale était compensée par une homogénéité culturelle s'inscrivant dans les limites géographiques précises de l'Ouest saharien. Cet espace culturel commun, outre l'identité des modes de vie et de rapports sociaux, était et demeure marqué par la pratique d'une même langue, le hassanya, dialecte arabo-berbère qui a quasiment éliminé la langue berbère utilisée avant la pénétration arabe, mais surtout par une empreinte religieuse caractéristique. La spécialisation forcée des tribus maraboutiques dans le rôle spirituel a fait de la Mauritanie un « conservatoire spirituel » riche en grands mystiques et en lettrés réputés. L'Islam maure entretient depuis des siècles une tradition d'exigence et d'austérité qui a fortement contribué à façonner l'identité de l'ensemble ouest-saharien. Contrastant avec l'isolement politique et économique progressif de la Mauritanie, le rayonnement religieux de ses marabouts sera un facteur décisif de l'islamisation de l'Afrique de l'Ouest, surtout à partir du XVIIIe siècle, quand la propagation du soufisme permettra la structuration de cet islam en confréries rassemblées autour de « saints hommes » prestigieux, de leurs familles et de la « voie » mystique qu'ils enseignent.

La fixation de la société maure s'accompagne d'un relatif isolement jusqu'à l'époque de la pénétration européenne. Ce qui subsiste du commerce transsaharien, progressivement supplanté par les progrès de la navigation océanique, s'est déplacé vers l'est. La Mauritanie se coupe du reste du monde arabo-musulman et méditerranéen, à l'exception du Sud marocain. Les premiers voyageurs et commerçants européens ne sont guère encouragés à pénétrer ces régions naturellement inhospitalières. Ils préfèrent établir des points de contact périphériques le long des côtes et dans le Sud sahélien, à partir de Saint-Louis et le long du Sénégal, principalement pour s'approvisionner en gomme arabique récoltée dans les régions les moins arides. L'aggravation du climat provoque l'extension et l'aggravation de la nomadisation. La vie urbaine se rétracte dans quelques agglomérations aux fonctions principalement culturelles et religieuses. Les ethnies noires sont définitivement refoulées au sud d'un véritable front biogéographique, l'isohyète de 400 mm de pluies, qui inscrit dans l'espace les clivages ethniques et socio-économiques, constituant l'un des principaux handicaps de l'État mauritanien.

L'immobilisme colonial

La pénétration coloniale française en Mauritanie obéit à des préoccupations essentiellement stratégiques. L'occupation tardive du territoire visait surtout à empêcher l'intrusion d'autres puissances européennes, et à réaliser la jonction entre l'Afrique du Nord française et l'A.-O.F. (Afrique-Occidentale française). D'abord menée pacifiquement à partir du Sénégal par Xavier Coppolani, qui obtient l'appui des tribus maraboutiques soucieuses de pacifier une société de plus en plus déchirée par les rivalités tribales, la conquête se révèle plus difficile que prévu. La résistance des tribus du Centre et du Nord s'organise autour de la figure légendaire de Cheikh Ma El Aïnin, dont l'irrédentisme oblige les autorités françaises à organiser de brutales expéditions militaires (colonne Gouraud en Adrar, en 1908-1909). L'onde de choc sud-nord, propagée par l'occupation de la Mauritanie, va même jusqu'à déstabiliser le nouveau protectorat marocain (reconquête de Marrakech en 1912).

La pacification définitive n'interviendra qu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale, quand seront fermement établies les lignes de communication coloniale transsahariennes et la surveillance des « confins ».

La pauvreté du territoire, le nomadisme de la majorité de sa population et la priorité accordée à la sécurité militaire expliquent l'absence de toute politique de mise en valeur de la part du colonisateur français. La Mauritanie demeurera jusqu'aux dernières années de la colonisation la « Cendrillon » de l'A.-O.F. L'« administration du vide » et la « politique du verre de thé » résumaient la gestion coloniale de la Mauritanie.

Les autorités coloniales, soucieuses de faire régner l'ordre au moindre coût, eurent en effet recours, plus largement qu'ailleurs, au relais des autorités traditionnelles, tout en maintenant leur contrôle sur l'ensemble de la société par une utilisation systématique des facteurs de division entre les groupes.

L'action du colonisateur entraîna cependant un rapide déclin des modes traditionnels de régulation sociale. L'instauration forcée de la « paix française » remettait en question les fondements de la séculaire distribution des rôles entre tribus et les équilibres entre les ensembles plus vastes auxquels elles se rattachaient. Quelques mesures libérales en faveur des catégories réputées inférieures portaient à terme des risques de désagrégation de la cohésion interne, d'autant que la logique du système colonial ancrait fermement la Mauritanie au Sud. Le territoire était dirigé depuis Saint-Louis du Sénégal, et les autorités françaises recrutaient largement au sein de la population négro-africaine pour étoffer les cadres subalternes et intermédiaires de l'administration coloniale. Si les anciennes structures sociales résistaient formellement, la société mauritanienne expérimentait en fait un bouleversement profond de ses valeurs qui intensifia la tentation du repli protecteur sur elle-même. Cette « dévitalisation », accentuée par un nouvel isolement dû au deuxième conflit mondial, allait dans le sens des intérêts du colonisateur qui n'aura jamais d'autre objectif, en Mauritanie, que stratégique.


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